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POUR QUE L'ANNÉE SOIT BONNE ET LA TERRE FERTILE

Création collective 2024
à EQUINOXE- SCÈNE NATIONALE DE CHÂTEAUROUX (36)

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Au tout début, il y a la photographie d’un costume : une connaissance, qui est costumière-plasticienne, a conçu un genre de monstre, une créature gigantesque, tout en poils et chevelure. Et elle cherche à le vendre.

    La photo parvient jusqu’à nous par hasard, et immédiatement, fait naître en nous un profond désir de le voir de près, de le toucher, de le voir évoluer sur un plateau de théâtre, de se glisser dans cette peau-là. De comprendre ce qui nous touche si fort dans cet être qui semble avoir deux bras, deux jambes, une tête… Qui n’est pas tout à fait bête, pas tout à fait humain.

    Nous creusons et découvrons que ce costume fait écho à des traditions européennes ancestrales, qui perdurent encore aujourd’hui et que l’on retrouve, avec leurs diverses variantes, à travers tout le continent : Bulgarie, Pays Basque, France, Suisse, Allemagne, Portugal, Italie… Des hommes et des femmes revêtent des costumes et des masques, défilent et dansent dans les rues aux équinoxes de printemps ou d’automne, « pour que l’année soit bonne et la terre fertile. » On y voit surgir des êtres étranges : des créatures à la fois hommes et ours, des bergers qui sont aussi des brebis ou des boucs, des sapins mouvants, et aussi des monstres tenant du yéti. En somme, die Wildermenschen, les humains sauvages.

    L’émotion qui nous saisit à la vue de ces personnages, elle naît d’un sentiment de crise que nous partageons avec nombre de nos contemporain.e.s. Une crise écologique, une crise des sociétés humaines, mais aussi, de manière plus profonde, ce que nomme Baptiste Morizot, une crise de la sensibilité : “[...] une crise de nos relations collectives et existentielles, de nos branchements et de nos affiliations aux vivants, [...] un appauvrissement de ce que nous pouvons sentir, percevoir, comprendre et tisser comme relations à l’égard du vivant.”* 

    Si le théâtre est un art de la relation, un art de l’entre-deux, nous voulons explorer tout un champ de relations auquel nous invitent ces costumes. En donnant chair et mouvement à ces figures qui représentent la part de nous sortant du cadre de la civilisation, nous souhaitons visiter d’autres façons d’être au monde, de tisser des liens à ce qui vit, à ce qui nous est autre. Et cet autre, le remettre au centre de notre attention collective. Nous aimerions que notre spectacle soit un temps poétique et sensible. Que la représentation crée un espace s’inspirant du carnaval, dans le sens où celui-ci, travaillant au renversement social, donne aussi lieu, de manière presque miraculeuse, à une forme d’utopie.

*Manières d’être vivant, Baptiste Morizot.

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